La sensibilité d'un auteur est toujours marquée par les réactions du public. Le succès de l'album n'est pas tout à ses yeux. S'il sent son lecteur trop apathique, admettant comme un simple dû ce qui lui a demandé tant d'efforts, il s'interroge sur l'évolution à adopter pour ses personnages afin de surprendre à nouveau le public.
La programmation accélérée des deux dernières aventures de Yoko dans l'hebdomadaire — en quatre semaines chaque fois pour près de dix-huit mois de labeur ! — influence certainement cet accueil plus froid. Comment se passionner pour un si court suspense où bon nombre d'effets de chute sont neutralisés par la présentation de onze planches d'un coup? L'auteur va se battre pour revenir à un rythme de présentation mettant mieux en valeur les diverses séquences de l'aventure, mais il va aussi revoir ses thèmes et écarter pour un temps la stricte technique, la limiter tout au moins et intensifier les personnages secondaires afin de revenir vers des intrigues plus humaines, teintées d'émotion plutôt que de rebondissements frénétiques. |
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"— Je suis heureux que Yoko soit connue et appr�ci�e, confie-t-il. J'y ai mis tout mon c�ur pour qu'il en soit ainsi et j'ai surtout le privil�ge de lui avoir offert un tr�s gros pourcentage de lectrices, qui s'est amplifi� au fil des albums. Le courrier que je re�ois �mane pour les deux tiers de filles, et les lecteurs de Yoko sont certainement pour moiti� des filles..."
Cet �quilibre rare dans la bande dessin�e classique impose de conserver le caract�re et la personnalit� de l'h�ro�ne. Entre l'auteur et sa fille de papier, un v�ritable dialogue s'est ouvert. Lorsque Leloup �voque sa porte-parole, on jurerait presque qu'elle vit r�ellement dans son foyer et qu'il vient juste de la quitter pour recevoir un visiteur.
C'est un ph�nom�ne propre aux grands mythes r�ussis. Un cr�ateur t�tonne d'abord pour composer un personnage. Au d�but, la forme est floue, fantomatique presque, et le narrateur s'imagine encore dominer l'existence du h�ros. Il le confronte � des th�mes et des situations dont il r�ve, mais la cr�ature conquiert graduellement son autonomie. Elle lui �chappe tout en devenant une amie fid�le. Elle prend corps et personnalit�, impose des directions et des d�veloppements pr�cis. L'auteur vit en osmose avec sa fiction et le fruit de son subconscient �volue vers une r�alit� qui dirige son travail. Un p�re ne peut rien refuser � sa fille.
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