Couverture de l'album |
|
Avec La Lumière d'Ixo, publié dans les numéros 2132 à 2152 de l'hebdomadaire SPIROU, du 22 février au 12 juillet 1979, Roger Leloup aborde un sujet particulièrement complexe.
— Certains ont aimé cet album, d'autres n'ont pas retrouvé le classicisme de la série, reconnaît l'auteur. Apparemment, les enfants ne trouvent pas cet épisode plus compliqué que les autres, mais quelques lecteurs ont eu des difficultés d'adaptation au thème. Un ami journaliste m'avait reproché de ne pas aller assez loin dans la description de la civilisation vinéenne. Il me suggérait d'évoquer leur évolution philosophique ou religieuse. Là, je l'ai fait. L'action a cédé un peu la place à cette exposition plus ésotérique. Je voulais montrer la stupidité du sacrifice des hommes vis-à-vis d'un mythe. Je me suis attardé sur ce thème, ce que je ne ferais plus en bandes dessinées, car c'était finalement plutôt une idée de roman. Je ne le regrette néanmoins pas, car j'ai réalisé un album différent des autres et les personnages ont acquis ainsi beaucoup plus de profondeur. Leur approche est plus intérieure dans ce contexte.
|
|
|
|
Le récit traite également d'un problème devenu aigu depuis le développement de l'énergie atomique. L'idée d'un satellite où se trouveraient accumulées toutes les matières dangereuses issues de la technologie fait partie des suggestions émises par le milieu
scientifique concerné qui exporterait volontiers cette pollution à long cycle d'existence. En partant de cette idée simple, l'auteur va infiniment plus loin et illustre ce qui pourrait se passer si une civilisation essaimait sur des planètes différentes, avec des foyers de vie issus de la même source, mais ne communiquant plus entre eux. La découverte d'autres survivants du cataclysme initial va être aussi celle d'une conception philosophique renfermée sur elle-même. Les Vinéens exilés se sont déifiés eux-mêmes et en viennent à refuser le secours de leurs compatriotes. Ils puisent dans Ixo l'énergie nécessaire pour la survie de leur cité spatiale, Shyra, superbement composée par le dessinateur sur les débris d'une planète errante.
Pour ses récits vinéens, Roger Leloup “imagine” entièrement décors et engins futuristes. Du gigantesque robot Kork (planche 10) à la cité oubliée (planche 38) en passant par les installations techniques des travailleurs d'Ixo, ils ont ici une authenticité étonnante.
— Plus la fiction est élaborée, et plus la science sur laquelle elle s'appuye doit être solide et structurée, souligne Leloup. Quand à la réflexion philosophique, elle résulte d'une simple extrapolation. J'étais parti d'un phénomène assez général, le retour au mysticisme, et je l'avais projeté dans le temps et l'espace. Tout peut devenir une religion, même une réalité astronomique telle qu'un mouvement de planète. Le soleil a bien été vénéré jadis dans de nombreuses civilisations : aucune croyance n'est ridicule si elle élève l'homme. Au plus profond de leur détresse, ces Vinéens éloignés ont trouvé la volonté de survivre dans leur foi, mais celle-ci a des limites et se développe sur de fausses croyances qui mènent à l'effondrement du système et à une certaine forme de tyrannie. La lumière d'Ixo est en fait devenue le symbole de l'obscurantisme.
| |
Couverture de lancement dans le journal de Spirou en 1979 |
|
|
|
|
|